Chronique de l’interculturel N°2 La Russie et sa stratégie au Moyen-Orient
La Russie et sa stratégie au Moyen-Orient
La Russie est un pays qui ne laisse personne indifférent. Les relations entre les Russes et l’Occident – en somme l’Europe, le Canada et les Etats-Unis d’Amérique – ont toujours tendance à être tumultueuses ; cela va selon toute vraisemblance perdurer malgré les politesses que s’étaient échangés MM. Poutine et Trump… avant d’eux-mêmes les tempérées au lendemain de l’élection américaine. La « dusha », l’âme slave – un mélange d’émotivité et de chaleur humaine – qui donne aux Russes ce besoin de convivialité dans leurs relations, n’aurait pas encore totalement convaincu le futur président des Etats-Unis.
Les deux blocs d’est et d’ouest s’étaient déjà opposés en 2014, lors de la crise qui a vu s’affronter la Russie et l’Ukraine. Ce conflit s’était soldé par un rattachement de la Crimée et de Sébastopol au territoire Russe suite, à un référendum qui fut immédiatement désapprouvé par les Occidentaux. Afin de manifester leur totale désapprobation, l’Union européenne et les Etats-Unis ont imposé des sanctions économiques à la Russie dans les secteurs de la défense, de l’énergie et des finances dès juillet 2014. Ces sanctions ont été reconduites au mois de juillet dernier et cela jusqu’en janvier 2017. Elles vont ensuite, selon toute probabilité, être reconduites.
Voyons à présent le conflit qui a actuellement lieu au Moyen-Orient depuis l’éclatement de la crise syrienne en 2011. C’est à nouveau la Russie qui s’est dressée face aux occidentaux en défendant le régime de Bashar al-Assad. L’engagement militaire de la Russie a débuté en septembre 2015 et a un objectif à la fois clair et simple : empêcher la défaite du régime syrien, son seul allié de la région. À compter de cette date, Washington – également en guerre mais poursuivant d’autres objectifs – et Moscou ont tenté à de nombreuses reprises d’accorder leurs violons sur le terrain diplomatique. De nombreux accidents sont survenus et ont compliqué les relations diplomatiques entre les deux capitales. Une fois, c’est un bombardier russe qui est détruit par les forces turques (24 novembre 2015), puis, c’est un convoi humanitaire de l’ONU qui est bombardé en septembre dans l’indignation générale quelques heures après la fin d’une trêve difficilement conclue.
Mais ce que cherche finalement la Russie, et cela par dessus tout, c’est à « briser l’isolement qui a suivi son intervention en Ukraine » selon les propos recueillis du secrétaire d’État à la défense américain, M. Ashton Carter et relayés par le Washington Post. En effet, M. Poutine a tout intérêt à trouver un moyen de relancer les pourparlers dans le conflit au Moyen-Orient et cela afin de retrouver son rang et de restaurer son crédit auprès des Etats-Unis et de l’Europe. La Russie est une nation qui éprouve une certaine amertume. Elle veut exposer au monde sa toute puissance alors qu’elle est paradoxalement perçue comme pauvre, désorganisée et corrompue à tous les niveaux.
Le jeu russe consiste à revenir en force sur l’échiquier international et prendre la place qu’il considère la sienne : parmi les grandes puissances. Il y a d’importants enjeux en termes de sécurité. Traditionnellement la première des responsabilités d’un État est d’assurer sa propre sécurité (en tant qu’institution), celle de son territoire et celle de sa population. L’idée de sécurité comprend classiquement la sécurité nationale mais également la sécurité collective, qui elle se déploie sur l’espace international. La Russie suit le même but que celui de toute politique étrangère et de sécurité digne de ce nom : harmoniser les conditions de sa sécurité dans le domaine international et ainsi sauvegarder ses intérêts et sa propre sécurité au niveau national.
Évidemment, le côté « dur » du Russe dans sa façon de faire et d’agir – en partie dû à la difficulté de son climat et du système communiste dans lequel il a longtemps vécu – se ressent pleinement dans ses relations diplomatiques avec l’Occident. Il ne faut cependant pas compter sur la Russie pour quitter tranquillement la scène internationale et cesser de défendre ses intérêts nationaux. De surcroît, lorsque l’on sait que trop bien qu’il est de plus en plus difficile de délimiter son espace intérieur et extérieur en termes de menaces et de sécurité.
Retrouvez ci-dessous l’article sous forme de chronique :
Laurent Goulvestre
Conférencier et formateur, expert international et interculturel
Auteur du livre « Les clés du savoir-être interculturel» aux éditions Afnor
Président de GARUDA S.A.S.
http://www.goulvestre.com/